Moi qui avait prévu, après deux mois (presque) sans poker, de vous mitonner un petit post sympathique de retour, en direct de Deauville façon « Tout ce que j’aime retrouver sur le circuit » ou « Mon top 10 de tout ce que je préfère sur cet EPT de bord de mer », ben je crois que je peux m’auto-farcir…
En effet, au vu du climat actuel et des questions que tout le monde se pose, je me vois mal vous faire l’éloge de mon plateau d’huître de lundi ou de vous pondre un whine infini sur mes malheurs à la table (quoique, je ne saurais résister à la tentation de vous raconter mes bad beats)…
Car voilà, ce serait comme faire le reporter de guerre qui part à Baghdad et qui revient avec une chronique de « Où manger le meilleur kebab de la ville ». Je ne peux donc pas publier sur ce blog sans, semble-t-il, évoquer cette situation désagréable dont tout le monde parle ici : l’affaire de triche façon « Kem’s » de la finale du PPT.
Il est vrai en plus que tout le monde en parle. Je n’étais pas à la table du FPS depuis plus de 15 minutes que des mecs randoms s’envoyaient des « J’avais deux paires oeil-menton » ou faisaient gesticuler leurs bras comme des fous épileptiques, dès qu’ils entraient dans un coup. Et la table, évidemment, riait de bon cœur. Parce que voilà comment la majorité des joueurs évoque l’affaire : en riant. En fait, tout ceci est en train de devenir une énorme private joke (qui n’est plus très private d’ailleurs) dans toute la communauté.
Sauf que tout le monde ne rit pas non plus…
Y’a aussi ceux qui, comme moi, sont finalement assez tristes et déçus de tout ça. Parce que je ne ferais pas exception en disant que j’appréciais moi aussi JP pour toutes ses qualités humaines et que oui, il était très aimé de tout le monde, toujours poli, souriant, sympa et généreux (mais bon, ce n’est malheureusement pas de ça dont il est question ici)…
Et puis enfin, y’a ceux qui font sacrément la gueule, pestent et enragent : tous ceux qui vivent du poker (joueurs pros ou amateurs, journalistes, businessmen etc…) et qui ont conscience du mal que peut faire cette affaire sur notre image qui est déjà lourdement chargée…
Après, halléluia, il nous faut relativiser l’impact que cette histoire a pour l’instant aux yeux du grand public, puisque nous avons l’immense chance de « faire une Farrah Fawcett ».
– Farrah Fawcett est morte
– Ah bon ? Quand ?
– Hier, le même jour que Michael Jackson
– Ah ouais, ok, j’en ai pas entendu parler…
En effet, remercions le merveilleux monde du foot de nous offrir ce qui s’annonce comme l’un des plus gros scandale sportif de tous les temps, pile au bon moment. Les journalistes des médias généralistes ayant donc à manger pour les semaines à venir, ils vont probablement nous laisser un peu de temps d’y voir plus clair avant d’exposer la chose sous les spotlights de façon bourrine et de juger le poker de façon rapide et caricaturale : poker = drogue = triche = prostitution = fange du monde = « cool, on va faire de l’audience au 20h ».
Mais il faut en effet reconnaître que même si peu est dit en public, ça jase et ça gueule sévère dans les coulisses… Il me semble donc impossible que l’affaire s’étouffe lentement dans les prochaines semaines : on va droit à l’enquête et au procès (ou pas) mais tout le monde a hâte d’avoir le maximum d’éléments pour se faire une idée et enfin tourner cette page fort désagréable. Quoiqu’il en soit, une petite voix me dit que jamais on ne saura exactement ce qui s’est passé, qui a fait quoi et surtout, quelle était l’énorme partie immergée de l’iceberg reliée à cette affaire…
Donc en attendant que tout ceci décante (et qu’importe finalement l’issue de tout ceci), j’avoue qu’en tant que joueuse, ça m’a un poil préoccupée aussi : l’essentiel est que cette histoire soulève des questions et des points importants à travailler/consolider pour assurer l’avenir de notre passion à tous. En clair, l’envie d’avoir des exigences commence à me gratter sévère : il nous faut blinder l’avenir au lieu de décortiquer un passé qui ne nous offrira probablement aucune réponse.
J’ai donc envie d’être plus chiante et plus intransigeante que jamais. D’où la création de « la nouvelle charte du joueur pro qui veut jouer en live sans flipper d’être pris pour un pigeon ». Ou, plus simplement, la « C.H.A.T.T.E », aka « La CHarte Anti-Triche Totalement Exigeante ».
Suite aux derniers développements des affaires en cours, NOUS, JOUEURS PROS ET AMATEURS, EXIGEONS DESORMAIS :
. Des sièges moelleux, inclinables, avec accoudoirs, chauffants (sur option, et en cas de clim’) et massants, genre avec deux boules qui remontent le long du dos (PS : vade retro esprit pervers, y’a rien de chelou dans ma phrase)
. Des massages gratuits de 10 minutes pour tous
. Des boissons à volonté (et pas que des softs, faut pas déconner)
. Avec les casse-croûtes assortis (certains casinos le font d’ailleurs déjà et qu’ils en soient bénis)
Ok, je dérive doucement. On retourne dans le vif du sujet :
Premièrement nous exigeons :
Des floors compétents et impitoyables avec les rêgles : ce sont les mêmes pour tous.
Encore tout à l’heure, Fab me racontait que lors d’un tournoi récent, un croupier qui distribuait les cartes avait stoppé sa distribution pour appeler un joueur pro à venir s’asseoir afin que sa main ne soit pas brûlée. Ce geste, qui part pourtant d’un bon sentiment à la base, est inadmissible. En effet, que va-t-il se passer quand Randomator va voir sa main brûlée juste après parce qu’il n’était pas non plus assis à temps pour récupérer ses cartes ? Poser des règles strictes et identiques pour tout le monde est un gage incontournable de respectabilité d’un casino. Pas de favoritisme mais des hommes là pour faire respecter l’ordre d’une façon très droite, jamais complaisante et toujours impitoyable : on veut des BatFloors.
Deuxièment :
Une couverture totale des tables et de la zone de tournoi avec des caméras, avec un personnel compétent à l’autre bout des écrans. Le tout avec conservation des bandes pendant une durée suffisamment longue (en cas de besoin de re-visionnage) du tournoi si possible mais surtout à partir de la demi-finale ou, de façon obligatoire, de la finale. On se doute bien que les organisateurs ne vont pas garder trente fois 72h de rush dans les placards et se creuser une grotte en Norvège comme Google pour le data-stocking…
Troisièmement :
Que tous les employés d’un tournoi soient au courant de toutes les dernières techniques de triche hi-tech (ou pas) afin de mieux buster les fourbes. J’ai entendu dire qu’il existait par exemple des encres invisibles pour marquer les cartes (ensuite, ces dernières sont lues avec des lentilles/lunettes spéciales). Et que l’on pouvait les acheter partout online (flippant hein?). J’ai donc envie d’exiger qu’un floor embusqué porte ses lentilles quand il déambule entre les tables. Et que les coupables, s’il y en a, soient immédiatement virés de tous les casinos de France et de Navarre.
Quatrièmement :
Que la jetonnerie soit adaptée, voire à terme, programmée avec des puces incrustées pour éviter tout « ré-injectement » ultérieur d’un tournoi à un autre. Ca semble un peu XXIIe siècle et surtout, ça coûterait une blinde… Mais l’idée est kiffante et elle serait possible quand il ne reste plus que quelques tables en fin de tournoi. De même, il faut impérativement des jetons différents pour les sat, les sides et les Main Event. Ca devient de plus en plus fréquent, mais ce n’est pas encore automatique.
Cinquièmement :
Des mélangeurs automatiques (et donc, qui recomptent les cartes) présents à gogo autant que possible. Même si sur un grand tournoi, pour raisons de budget, seules quelques tables en sont équipées (surtout en TF), c’est toujours mieux que rien. Ca permettrait d’éviter toute possibilité de manipulation, qu’elle vienne du joueur ou du croupier.
Si ces cinq mesures étaient appliquées (ce qui est souvent le cas dans certains casinos de Vegas, par exemple) , il ne fait nul doute que les tricheurs devraient se décourager un tant soit peu avant d’envisager de raser leurs pigeons. Sauf que bon, on rejoint un peu le pays de Candy : ça coûterait une sacrée blinde aux organisateurs tout ça… Mais si rien que les quarts de finales étaient couverts de cette façon, ce serait pas mal non ?
Ce serait d’ailleurs un excellent point de communication pour de nombreux organisateurs de tournoi, qui pourrait même aboutir à une création d’une forme de « label » garantissant des mesures pointues et spécifiques pour protéger les joueurs. Les joueurs exigeraient donc la C.H.A.T.T.E avant de poser leurs fessiers royaux sur des sièges de tournoi : après tout, ce serait logique, non ? 🙂
En bref, c’est donc aux organisateurs de tournois de jouer aux justiciers (non-) masqués et de décider de prendre la route de la transparence et de la rigueur la plus totale : ils ont tout à y gagner, dont la confiance d’un public de passionnés, souvent bourré aux as et qui en plus, n’a qu’une seule envie : dépenser leurs sous chez eux les yeux fermés. Sur le papier, c’est une idée de comm’ qui ne se refuse pas… Ce serait donc un investissement lourd à la base mais dont les retombées seraient très juteuses et profitables à tout le monde…
De même, et en parallèle, je tiens à préciser que le peu d’histoires de triches (parce qu’il est bon de rappeler que sur le circuit pro WPT, WSOP et EPT, ça reste à priori infiniment marginal) que j’ai entendu depuis 5 ans que je suis sur le circuit, touchaient aussi bien le online que le live…
Mais bon, comme il est question ici d’une affaire en live, parlons de ça. Toutefois, j’apprécierais que les rooms online communiquent un peu plus sur leur méthodes de traque des tricheurs et leurs résultats… Car on sait que si le côté « barronage » (un complice posté derrière l’adversaire), « Je te fais des signes » ou, plus simplement « On se joue pas » existe depuis que le poker existe, et présente un côté presque archaïque limite « Commedia dell’arte », la triche online peut inclure des techniques super hardcore de complexité… Le sujet est encore plus tabou que le live, et pourtant, il touche beaucoup plus de monde et donc, beaucoup plus d’argent…
Je voudrais revenir aussi sur l’idée qu’il ne faut pas oublier d’où vient le poker et sa mauvaise réputation. En résumé : « On ne peut pas arriver sur une ancienne décharge pour construire sa maison et gueuler parce que ça pue quand on ouvre les fenêtres ». Attention à ne pas sortir cette phrase hors contexte : je ne dis évidemment pas que « c’est comme ça, alors ferme ta gueule ». Non, je dis juste que grâce à de nombreuses personnes de bonne volonté, tout bouge tranquillement et s’oriente dans la bonne direction mais il ne faut pas non plus oublier qui jouait au poker il y a 20 ans dans les arrières-salles enfumées…
Mais bon, non seulement le donquichottisme est un moteur merveilleux mais en plus, il arrive parfois même à faire tomber un moulin (à moins que ce soit un coup de vent extérieur ou une grosse « Deus ex Machina » pelleteuse, mais au final, du moment qu’on a le résultat…).
De plus, et pour clore le sujet, c’est dans le circuit du poker pro que j’ai appris ce que le mot « avoir une parole » voulait dire. L’immense majorité des joueurs pros que j’ai rencontré et que je cotoie au quotidien sont des gens droits, intêgres et de vrais amoureux du jeu. Beaucoup sont capables par exemple de prêter une somme énorme à une connaissance du circuit sans sourciller et sans aucune garantie, et se les voir rendre quelques jours plus tard comme si de rien n’était ; parce que faire confiance à quelqu’un veut vraiment dire quelque chose (et la trahir, aussi…). C’est aussi un milieu qui compte de nombreuses personnes avec qui j’adore passer du temps, pour parler poker ou juste refaire le monde pendant des heures. Voilou.
Maintenant, assez parlé de choses importantes.
(avant, petite parenthèse philo avec une phrase que j’aime tout particulièrement : « Quiconque a sondé le fond des choses devine sans peine quelle sagesse il y a à rester superficiel » Nietzsche. Voilà, comme ça, ma transition vers la fin de cet article est faite…)
Finissons donc sur trois notes positives et légères :
Anaïs Lerouge est officiellement un vrai pirate : elle s’est encore emparée, pour la 3e fois (!) du titre Ladies ! VGG à toi ; u rock girl 🙂 (pour info, ici, c’est le bar de l’O2, dans le casino, où se retrouvent tous les joueurs le soir : un piège absolu où le « Allez, non vraiment c’est mon dernier verre et je rentre » est voué à l’échec à 100%…)
[interlude on ze beach] Crountch, crountch, crountch : le bruit des coquillage broyés est plus jouissif que celui du papier bulle qui éclate sous les doigts 🙂
Et pour finir, un gros VGG aussi à Benjamin Pollak qui remporte le contrat Betclic à 100k ; et zou, un autre prétexte pour faire la fête !
Rendez-vous dans quelques jours pour la suite de cette étape Deauvillaise dans un autre post où, cette fois, vous n’échapperez pas au récit de mes bad beats ! 🙂 (mais promis, j’y mettrais aussi plein de bétises et de photos sympas)
Un gros GL aussi à tous les potes qui sont encore dans la Main !